Mythes et réalités associés au suicide
Le mythe joue un rôle important dans notre tentative de comprendre un phénomène parfois difficile à expliquer. «(…)les mythes et les tabous entourant le phénomène du suicide ont une fonction sociale importante: protéger l’environnement contre les divers sentiments (culpabilité, agressivité, impuissance) suscités par le comportement suicidaire et fournir des explications sécurisantes.»
Pierre Morissette, 1984, cité dans Raymond S. 1993
«Les personnes suicidaires sont formellement décidées à mourir.»
Mythe
La personne suicidaire veut cesser de souffrir et non mourir. En fait, la personne suicidaire est ambivalente quant à son désir de vivre et son impossibilité à continuer de souffrir.
«Plusieurs indices indiquent la présence d’une crise suicidaire.»
Réalité
La plupart des personnes donnent des signes de leur intention suicidaire. Ces signes peuvent être verbaux ou non verbaux. Malheureusement, ils ne sont pas toujours évidents à détecter même s’ils constituent souvent l’indice d’un état de crise et une façon de demander de l’aide.
«Il faut être lâche ou courageux pour se suicider.»
Mythe
Quand on pense au courage et à la lâcheté, on pense en termes de choix et l’on projette notre propre conception du suicide sur l’autre. Or, une personne ne se suicide pas par choix, mais par manque de choix. La personne suicidaire n’y voit là ni courage, ni lâcheté: sa vie lui est insupportable, elle a atteint sa limite de tolérance face à sa souffrance et elle ne voit plus d’autres façons d’arrêter de souffrir.
«Lorsqu’il y a un suicide dans une famille, les membres de la famille deviennent plus à risque.»
Réalité
Sans entrer dans le débat des causes biopsychosociales du suicide, il est important de souligner que la crédibilité octroyée aux comportements des proches peut induire l’imitation du geste. Ainsi, un suicide ou une tentative de suicide au sein d’une famille peut être perçu par les autres membres comme une façon possible de résoudre leurs problèmes.
«Parler du suicide encourage le passage à l’acte.»
Mythe
Le suicide est un sujet dérangeant dont on parle difficilement. Pourtant, c’est en parlant du suicide que l’on peut démythifier ce sujet et parvenir à aider une personne suicidaire. Demander directement à une personne si elle songe au suicide, ce n’est pas lui suggérer l’idée, mais lui ouvrir la porte à l’expression de sa souffrance. Parler du suicide, oui, mais pas n’importe comment! On doit éviter de banaliser le sujet, de mettre au défi une personne de se suicider ou de louanger quelqu’un qui s’est suicidé en qualifiant son geste d’héroïque.
«Le suicide se produit sans avertissement.»
Mythe
Le geste suicidaire n’est pas spontané. Il est l’aboutissement d’un processus qui comprend le développement des idées suicidaires ainsi que la fixation sur ces idées jusqu’à l’élaboration d’un plan précis. Durant ce processus, la personne suicidaire émet différents messages et signaux. En fait, la majorité des personnes manifestent leur désespoir avant de passer à l’acte. On doit noter cependant que chez les adolescents et les personnes de nature impulsive, ce processus peut parfois se dérouler dans un laps de temps plus court.
«L’amélioration à la suite d’une crise signifie que le danger est passé.»
Mythe
Il se peut qu’une personne en crise suicidaire semble momentanément soulagée et paraisse de bonne humeur, mais cela ne signifie pas que le danger soit écarté. Au contraire, une amélioration soudaine dans un processus suicidaire peut indiquer une urgence élevée. Soit la personne a décidé de montrer des signes de mieux-être pour rassurer son entourage ou encore, sentant sa souffrance tirer à sa fin, elle ressent un réel soulagement. Il faut être très vigilant et tenter de vérifier quels sont les dénouements favorables à l’origine de ce changement de comportement.
«Toute personne suicidaire paraît déprimée.»
Mythe
Bien que la personne suicidaire soit la plupart du temps en période dépressive, toutes ne présentent pas nécessairement des signes de dépression. Au contraire, certaines personnes paraissent dures et insensibles alors que d’autres sont de bonne humeur et très actives. Il faut faire attention, car ces comportements peuvent servir à cacher une grande tristesse et des pensées suicidaires.
«On peut aider une personne suicidaire sans être un professionnel dans le domaine du suicide.»
Réalité
Au quotidien, dans ses relations avec son entourage, chaque personne peut aider un proche confronté à la souffrance, avec les moyens dont elle dispose et en respectant ses limites. Savoir reconnaître les signes avant-coureurs, ouvrir le dialogue et trouver des solutions satisfaisantes pour la personne sont autant de façons de soutenir un proche. Avec de l’ouverture, de la compréhension et de l’entraide, il est possible d’éviter que soit posé un geste irrémédiable. Cependant, qu’on soit un professionnel ou un proche, la même règle s’applique: on ne doit jamais rester seul avec le problème. Il faut absolument se faire aider. La ligne 1 866 APPELLE offre du soutien aux proches et aux personnes inquiètes pour leur entourage.
«Parfois, les personnes qui menacent de se suicider veulent attirer l’attention ou manipuler.»
Mythe
Il faut toujours prendre les menaces de suicide au sérieux. Elles sont toujours des appels à l’aide. On doit aussi faire attention aux menaces à répétition et à celles qui s’étendent sur une longue période de temps. La répétition du message peut avoir l’effet de l’homme qui criait au loup, c’est-à-dire de désensibiliser l’entourage face à l’importance de la situation.
Source
- Formation Agir en sentinelle pour la prévention du suicide. Association québécoise de prévention du suicide. 2008.